Le Design Thinking en bibliothèque et en français, un zeugme à retenir !

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Transformer les bibliothèques publiques pour en faire des projets de sociétéculturedesign et des «tiers lieux» par le biais de démarches participatives est un des nouveaux défis de la bibliothéconomie et…du design ! Pour le relever, on peut avoir recours à l’approche IDEO dont le processus de design thinking est maintenant disponible dans une traduction [à la] française : « Design Thinking en bibliothèque ».

Le contexte (en quelques énumérations inévitables)

Que ce soit à Montréal ou ailleurs dans le monde, la programmation des services et des espaces des bibliothèques (universitaires, publiques ou scolaires) tendent à s’appuyer sur des démarches visant à faire participer les parties prenantes : citoyens, publics, communautés, acteurs, institutions, etc. Différents processus de cocréation, codesign, laboratoire vivant, résidence, etc. ont été conduits depuis quelques années dans le but de créer une nouvelle génération de bibliothèques « tiers lieux» appropriées aux nouveaux usages.

Les motivations qui justifient ces démarches participatives sont multiples : développement durable, acceptabilité sociale, éducation, empowement, innovation, innovation technologique, innovation sociale, exclusion/inclusion sociale, culture numérique, planification urbaine, etc.

Les approches participatives accessibles sur le marché de l’innovation sont élaborées à partir d’une variété de disciplines : sciences de l’information, sociologie, sciences de la gestion, développement communautaire, sciences du design, design de systèmes, etc.

La société américaine IDEO qui propose la conduite de projets d’innovation à partir d’un ancrage dans le domaine de la gestion, des affaires et de la technologie, est un des joueurs les plus réputés en matière de design thinking. Cette approche se conçoit comme centrée sur l’humain :

« Design thinking is a human-centered approach to innovation that draws from the designer’s toolkit to integrate the needs of people, the possibilities of technology, and the requirements for business success. » — Tim Brown, président de IDEO

Qu’est-ce que le design thinking ?

En guise de démarrage, on explique les grandes lignes de cette approche centrée sur l’humain dans les termes suivants :

Le design thinking est une méthode créative qui permet de mettre en place des services innovants en bibliothèque. L’innovation est un phénomène qui se situe à l’intersection de trois facteurs : la désirabilité, la faisabilité et la viabilité. Autrement dit, quand une offre est désirable, quand elle est économiquement viable et quand elle est techniquement réalisable, les conditions sont réunies pour innover.

 

Le coeur de la méthode consiste à rencontrer des gens et à les observer pour comprendre leurs besoins, à fabriquer des prototypes et à les tester pour les améliorer. Les usagers sont au centre de ce processus, c’est pourquoi il va de pair avec une philosophie que nous appelons le « design centré sur l’humain. » Tout cela peut paraître intimidant à première vue, mais il s’agit en fait d’une démarche extrêmement intuitive basée sur l’empathie. Elle mobilise des dispositions que nous avons tous naturellement, mais que nous avons tendance à sous-exploiter, comme l’intuition, l’intelligence émotionnelle ou le goût pour l’action.

 

Le design thinking, c’est aussi une certaine façon de penser qui implique de voir le monde comme un designer. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’avoir un don artistique, il suffit d’être ouvert à l’inconnu et créatif face à l’imprévu. Adopter cet état d’esprit permet d’envisager les problèmes comme des opportunités et de gagner la confiance en soi nécessaire à l’innovation. Cette façon de faire est probablement à l’opposé de votre mode de travail habituel. Le fait de ne pas savoir à l’avance où vous aboutirez peut être déstabilisant, mais vous devez faire confiance au processus.

Le processus de design thinking en tant que tel réfère à un ensemble de phases superposées, qui s’articulent autour de trois étapes principales : l’Inspiration, l’Idéation et l’Itération :

  • La phase d’inspiration consiste à comprendre les besoins de vos usagers en les observant, en dialoguant avec eux et en vous renseignant sur ce qui se fait ailleurs.

  • La phase d’idéation consiste à reformuler vos constats, à élaborer un concept et à lui donner une forme concrète en réalisant un prototype rapide.

  • La phase d’itération consiste à tester votre prototype avec vos usagers afin que vos expérimentations successives soient de plus en plus proches du résultat final que vous souhaitez atteindre. (Préface, Le Design Thinking en bibliothèque)

 

La méthode se veut centrée sur l’usager/l’humain, fondée sur la pratique, expérimentale, favorisant un état d’esprit libre de tous préjugés, résolument créatif, foncièrement optimiste. 

Design Thinking en bibliothèque

La publication de cette trousse d’outils IDEO, réalisée avec soin, représente une occasion bienvenue et fort séduisante d’explorer et de pratiquer le design thinking pour repenser les services, les programmes d’activité, les espaces, les structures et les organisations. Elle adopte la forme d’un kit composé 1) d’un manuel décrivant les principes et le modèle de la démarche, 2) d’un livret d’accompagnement incluant des fiches d’activités et 3) d’un feuillet d’appropriation rapide intitulé « Design Thinking en un clin d’oeil ». À partir de consignes et d’outils simples, on soutient qu’il est possible d’adopter une posture de designer et d’apprendre à réaliser un projet appuyé par des entretiens, des animations créatives, des prototypes, des projets pilote, etc.

IDEO a adapté son modèle-type en sollicitant les bibliothécaires de Aarrhus (Danemark) et de Chicago (États-Unis) et en les formant au design thinking. Les responsables des bibliothèques impliquées n’ont pas manqué de faire valoir les bénéfices de cette méthode et, plus généralement, de  la participation en design. Rolf Hapel de la bibliothèque d’Aarhus présente deux avantages de ces pratiques :

d’abord, leurs demandes [des usagers] sont prises au sérieux et entendues. Ils sont considérés comme des acteurs dans le processus de transformation de la bibliothèque et pas seulement comme des consommateurs passifs. Par conséquent, il y a un premier bénéfice qu’on pourrait qualifier de démocratique. Le second bénéfice vient du fait que les avis des usagers ont permis de mettre en place des services nouveaux ou de meilleure qualité. (Design Thinking en bibliothèque, IDEO, 2015, p. 19)

Brian Bannon, un des responsables des bibliothèques de Chicago, poursuit dans le même sens :

Si on fait le point sur notre première année de collaboration avec IDEO et Aarhus, on peut dire avec certitude que notre public a bénéficié de services nouveaux et redynamisés. L’impact positif sur notre culture professionnelle est un phénomène que nous n’avions pas vraiment anticipé. Le fait d’encourager les bibliothécaires à innover, de leur confier des outils et des responsabilités nouvelles est une véritable révolution. Nos succès, mais aussi les échecs dont nous avons tiré des leçons, ont renforcé la conviction que nous sommes capables tous ensemble de poser de nouvelles bases pour la lecture publique à Chicago. (Design Thinking en bibliothèque, IDEO, 2015, p. 19)

 

La bibliothécaire Nicole Steeve souligne à son tour l’intérêt du design thinking face à cette tendance, répandue du côté du personnel en bibliothèques, qui consiste à prétendre connaître mieux que les usagers eux-mêmes leurs attentes en matière de services. Le design thinking permet de déjouer cette usurpation de la parole et des besoins en recourant à un processus qui ramène l’usager au coeur du projet :

« Maintenant que j’ai réalisé plusieurs projets, j’ai l’impression de mieux comprendre la logique qui sous-tend cette démarche. N’importe qui peut avoir l’idée de mettre en place un atelier de création artistique pour les adolescents ou d’installer des canapés dans un laboratoire de langues. Mais si ces décisions ne s’appuient PAS sur le design thinking, vous risquez de ne pas avoir de bons arguments pour les défendre. Grâce au design thinking, ces choix sont le résultat d’échanges avec des usagers et d’expérimentations. C’est très important parce que dans le monde des bibliothèques, nous nous interrogeons sans cesse sur la pertinence de nos actions. Le design thinking est une méthode de résolution des problèmes et de prise de décision qui nous aide à faire des choix pertinents et où on ne se contente pas de présumer qu’un projet – quel qu’il soit – répond bien aux besoins des usagers. »

Le guide de design thinking propose une schématisation des bénéfices potentiels de cette approche pour la bibliothèque et pour les usagers.

Codesign dans les bibliothèques de Montréal

Dans cette traduction française, on s’est attaché à renouveler les exemples et les références en puisant dans le contexte francophone. Le processus de codesign mené dans le cadre du projet de la bibliothèque de Pointe-Saint-Charles y figure. Depuis 2014, en effet, près d’une dizaine de démarches participatives de cette nature se sont déroulées à Montréal pour réinventer les bibliothèques avec les citoyen.ne.s et les communautés. Cet énorme chantier démocratique vise à soutenir l’adaptation des bibliothèques en réponse aux nouveaux usages et aux nouvelles aspirations des habitants dans une perspective de développement durable.

LE CO-DESIGN À LA BIBLIOTHÈQUE DE POINTE-SAINT-CHARLES: http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/ARROND_SOU_FR/MEDIA/DOCUMENTS/BIBLIO_SC_RAPPORT_CO-DESIGN_SANSVIDEO2.PDF

 

3 réponses à « Le Design Thinking en bibliothèque et en français, un zeugme à retenir ! »

  1. […] L’objectif de faire participer la cité est louable. « Que ce soit à Montréal ou ailleurs dans le monde, la programmation des services et des espaces des bibliothèques (universitaires, publiques ou scolaires) tendent à s’appuyer sur des démarches visant à faire participer les parties prenantes : citoyens, publics, communautés, acteurs, institutions, etc. Différents processus de cocréation, codesign, laboratoire vivant, résidence, etc. ont été conduits depuis quelques années dans le but de créer une nouvelle génération de bibliothèques « tiers lieux» appropriées aux nouveaux usages », peut-on lire dans un post du blog Bibliomancienne du 27 janvier 2016. […]

  2. […] créatif, itératif et participatif…. (ça fait beaucoup de if). La méthode vient, comme le rappelle Marie D. Martel de la société La société américaine IDEO qui propose la conduite de projets […]

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